Hommage à Hanane Al Barassi par Cécile Oumhani

Mardi 10 novembre 2020, Hanane Al Barassi est morte à Benghazi, en Libye. Elle avait…

Le 23 novembre 2020

Mardi 10 novembre 2020, Hanane Al Barassi est morte à Benghazi, en Libye. Elle avait quarante-six ans et elle était avocate. Sans relâche, elle combattait pour les droits des femmes, pour les droits humains, toujours soucieuse aussi de dénoncer la corruption du pouvoir. Des hommes armés l’ont assassinée dans la rue, en plein jour, quelques heures après qu’elle a posté une de ses nombreuses vidéos sur les réseaux sociaux. Elle n’hésitait pas à y critiquer notamment la LAAF, l’armée nationale libyenne autoproclamée par Khalifa Haftar.  Son assassinat suscite une émotion considérable dans son pays.

Elle était une femme de courage. L’assassinat de sa consœur Salwa Bugaighis, le 25 juin 2014, par cinq hommes armés entrés dans sa maison à Benghazi ne l’a pas dissuadée de se battre. La disparition de Siham Sergiwa, militante des droits humains et membre du Parlement de Tobrouk, enlevée chez elle à Benghazi le 17 juillet 2019,  n’a toujours pas été élucidée. Mais cet enlèvement n’a pas davantage fait fléchir Hanane Al Barassi. 

Car en effet, Hanane était une femme déterminée et pleine de bravoure.  Rien n’aurait pu l’intimider ou la détourner du chemin qu’elle traçait loin devant elle, parce qu’elle était en quête d’un monde meilleur.  Ses vidéos la montrent assise à l’avant de sa voiture, parfois en train de conduire, ou encore debout dans la rue.  Son regard est limpide et elle sourit tout en s’adressant à nous. Son visage a la beauté tranquille de cette force qui habite sa personne. Elle a choisi de s’exprimer hors d’un lieu statique, qui aurait été plongé dans les ombres et le silence. Elle s’est filmée dans le mouvement des voitures, la sienne et celles qui se pressent de tous côtés. Hanane avait résolument placé sa route au sein de l’espace public, au contact direct des autres.

Car elle était une femme en marche, loin des immobilismes et des pesanteurs qui auraient voulu qu’elle se taise et s’efface. La vie et l’avenir, elle voulait les saisir à pleine main comme elle le fait de son volant, en sillonnant les rues de sa ville.  Elle parle avec simplicité et conviction, d’une voix ferme. Elle s’adresse à nous, comme si nous étions assis à ses côtés, proches par le combat et par les idées.

Ils l’ont abattue dans sa voiture, en pleine ville, là où elle se filmait et nous parlait. Car bien sûr, c’est pour cette raison qu’ils l’ont tuée. Parce qu’elle se filmait et s’adressait à nous. Il fallait éliminer la femme qui refusait de se taire, débordante de volonté et d’énergie, le front baigné de soleil. Un message terrible, donné aux autres, à toutes celles qui seraient tentées de prendre la parole et de se faire entendre aussi sur la place publique…  

La page Facebook de Hanane nous apprend que son sang versé ne leur suffisait pas, puisqu’ils ont aussi saccagé sa tombe, à peine a-t-elle été inhumée. On aperçoit sur la photo un fragment de marbre tracé en lettres noires du mot haq, vérité, un des seuls qui aient survécu à la profanation. Rien ne nous laissera oublier Hanane Al Barassi et sa résistance acharnée, où que nous soyons.  Sa voix et son message continueront de résonner dans nos cœurs et dans nos mémoires. Une part de son souvenir marchera avec chacune de nous dans nos luttes à venir.

Nous, membres du Parlement des Écrivaines Francophones, nous exprimons notre indignation face à cet assassinat.

Nous, membres du Parlement des Écrivaines Francophones, demandons que lumière soit faite sur la mort de Hanane Al Barassi, au-delà de toute impunité.

Texte écrit par Cécile Oumhani

Cosigné par : Nadia Essalmi, Sedef Ecer, Michèle Rakotoson, Chahla Chafiq, Dora Carpenter-Latiri, Marie Soeurette Mathieu, Samia Maktouf, Suzanne Dracius, Nassira Belloula, Lise Gauvin, Safiatou Dicko Ba, Sophie Bessis, Marie-Rose Abomo Maurin, Catherine Cusset, Madeleine Monette, Emeline Pierre, Alicia Dujovne Ortiz, Laurence Gavron, Fawzia Zouari, Sema Kilickaya, Emna Bel Haj Yahia, Elisabeth Tchoungui, Maram Massri, Shumona Sinha, Marijo Alie, Lamia Berrada

Tribune publiée par Babelmed le 22 novembre 2020 :

http://www.babelmed.net/article/9306-assassinat-de-hanane-al-barassi/

Un très grand merci à Maram Massri d’avoir traduit et fait publier notre tribune sur Hanane Al Barassi dans le journal Al Quds !

Version en anglais

The killing of Hanan Al Barassi

    On Tuesday, November 10, 2020, Hanan Al Barassi died in Benghazi, Libya. She was a forty-six year old lawyer. Her fight for women’s rights and human rights had been relentless and she did not shrink from denouncing the corruption of power. Armed men murdered her on the street, in broad daylight, only a few hours after she posted one of her numerous videos on social networks. She did not refrain from criticizing, among others, the Libyan-American warlord Khalifa Hafter and his Lybian Armed Arab Forces (LAAF). Her killing has aroused considerable outrage in her country.

      She was a woman of courage. Her colleague Salwa Bugaighis was murdered on June 25, 2014, by five armed men who had entered her house in Benghazi. But this did not discourage Hanane from fighting. Siham Sergiwa, a human rights activist and a member of Parliament in Tobruk, was kidnapped from her home in Benghazi on July 17, 2019, and is still missing. But this kidnapping did not deter Hanane either.

     Hanane was a determined woman. Nothing could intimidate her or divert her from the path she was keen to break far ahead, because she was in search of a better world. Her videos show her sometimes driving her car or standing in the street. Her eyes look clear and she smiles as she addresses us. Her face has a quiet beauty radiating from her inner strength. She chose to speak, away from a static place, immersed in shadows and silence. She filmed herself among cars that are driving past on all sides. Hanane had resolutely taken a place of her own in the public space, in direct contact with others.  She was a woman on the move, free from burdens of the past and social pressure to keep silent and step aside.

She was eager to take hold of life and of the future with both hands, as she does with her wheel, driving through the streets of her city. She speaks with simplicity and conviction, with a firm voice. She addresses us, as if we were sitting by her side.

    They gunned her down in her car, downtown, where she filmed herself and talked to us. 

This is the reason why they killed her. Because she filmed herself and talked to us. Because she was about to reveal information proving the corruption of several members of the Haftar family. They were set on eliminating a woman who would not keep quiet. She was strong-willed, full of energy and her brow was bathed in sunlight. They sent a terrible message to others, to all the women who might feel tempted to speak up and make their voices heard in public… We learn on Hanane’s Facebook page that her blood was not enough for them, so, no sooner was she buried that they also trashed her grave. The photo shows a shard of broken marble with the word haq inscribed in black letters, meaning truth, one of the few words that survived the desecration. Nothing will let us forget Hanan Al Barassi and her unrelenting resistance, wherever we are. Her voice and her message will go on resonating in our hearts and our memories. A part of her will be walking with each of us in our fights to come.

     We, members of the Francophone Women Writers’ Parliament, express our indignation at this murder. We, members of the Francophone Women Writers’ Parliament, ask that Hanan Al Barassi’s death be fully investigated, beyond any impunity.