Le Prix Renaudot de l’essai 2020 attribué à la Québécoise Dominique Fortier pour Les Villes de papier.

  Un livre/accompagnement par Lise Gauvin  Les Villes de papier, de Dominique Fortier, est un…

Le 1 décembre 2020

  Un livre/accompagnement par Lise Gauvin

 Les Villes de papier, de Dominique Fortier, est un livre dont la lecture est un accompagnement, comme une de ces rencontres fortuites dont on voudrait prolonger la durée et dont on a du mal à se séparer. Publié au Québec en 2018 aux éditions Alto, puis en France chez Grasset en 2020, il vient de remporter le prix Renaudot de l’essai, attribué par un jury formé de sept hommes et d’une seule femme, Dominique Bona. Précisons que Dominique Fortier est la première Québécoise à recevoir cet honneur et la quatrième écrivaine à obtenir le prix  Renaudot de l’essai depuis 2000. Également traductrice littéraire, elle en est à son septième livre.

L’ouvrage relate la vie d’Emily Dickinson, cette poète américaine à la renommée mondiale, dont l’expérience du monde passe par la fréquentation de quelques lieux : Amherst, Boston, le Mount Holyoke Female Seminary, ainsi que Homestead, la ville natale où elle finira ses jours dans une réclusion totale. Après son décès, sa sœur Lavinia se chargera de faire publier son œuvre, jusque-là quasi entièrement inédite.

Essai, récit, biographie et journal intime, Les Villes de papier est tout cela à la fois. Ce qui est fascinant, c’est la grande liberté avec laquelle l’auteure module les diverses « entrées » du livre en autant de variations sur l’écriture et le monde, les lieux et leurs secrets. « C’est en vain, avoue-t-elle, qu’on cherche dans la vie d’Emily Dickinson une charnière, un point de bascule ». Par touches discrètes, la biographe revoit les étapes de cette existence en s’appuyant sur une vaste érudition  tout en  y entrecroisant des moments de sa propre vie de façon à reconstituer par fragments le portrait de la célèbre confinée volontaire. Cette réactualisation du passé fait l’intérêt d’un livre dans lequel la lectrice et le lecteur se promènent à l’aise, invités  à accompagner l’auteure  dans sa recherche et à observer un jardin aux tracés imprévisibles. Selon Dominique Fortier, « l’expérience du monde chez Emily Dickinson était si intense qu’elle avait besoin de s’en détacher pour mieux l’habiter. »

 Par son exploration méditative d’une vie entièrement vouée à l’écriture, Dominique Fortier a créé un livre multiforme, qui donne à voir et à penser, tout en nous incitant, particulièrement en ces temps de pandémie, à « imaginer des Villes de papier ou encore des galaxies entre les quatre murs d’une pièce », sans oublier de repérer le merveilleux dans les plus petites choses.

Félicitations à l’écrivaine d’avoir réussi avec autant de justesse à faire revenir Emily Dickinson parmi nous.

Lise Gauvin